Une couleur ?
LE ROUGE !
Le rouge de l’île rouge, Madagascar. Son rouge qui m’a tenu compagnie pendant presque 2 ans.
Le rouge orangé du soleil couchant et sa lumière presque démente.
Le rouge de derrière les paupières, quand on regarde, les yeux fermés, le soleil en face.
Le rouge des braises du foyer de chaque maison, entretenu tout le jour.
Les flammes du feu de brousse, qui brillent et crépitent dans la nuit.
Le rouge même dans le végétal : les fleurs des canas et des flamboyants, les feuilles des extrémités de l’arbre de Madagascar, le rouge rosé du bois de rose et du palissandre, le marron rouge séché du ″sakay″ (1) écrasé qui pique fort.
Et bien sûr, le rouge universel de la tomate.
Mais pas de cerises, ça manque, ce goût de rouge là.
Les yeux injectés de sang des buveurs de ″taoka gasy″ (2), et parfois leur face congestionnée.
La couleur du visage, des bras, des torses des paysans malgaches, dorés, brunis par le soleil.
Et même, l’incarnat de ma peau brûlée de vazaha blanche, j’en deviens ″vazaha mena″ (3). Mais pas malgache.
Le rouge originel du sang du zébu sacrifié.
Le rouge parfois interdit ou obligatoire selon les endroits : ″fady″ (4) ici pour traverser cette rivière, indispensable là pour cette cérémonie traditionnelle.
Mais surtout, le rouge de la terre, qui donne leur couleur aux maisons de brique des hauts plateaux.
Le cirque rouge près de Mahajunga, déclinaison incroyable de tous les tons chauds, brun, rose, pourpres, violets...
Le sol, la piste rouille, et sa poussière ocre sur ma peau, mes cheveux et jusque dans mon nez. Ou alors, avec la pluie, les pistes de boue rouge terre, lorsque la voiture glisse, s’enfonce, passe si on pousse.
La latérite dure comme le fer. L’érosion qui balafre et fait saigner les montagnes : les ″lavakas″ (5).
Tout ce rouge, sur lequel j’espère que l’arbre va gagner : le vert sur la terre.
Texte pondu en atelier d’écriture animé par Lydia SCHETTINI
(1) piment
(2) rhum artisanal malgache
(3) vazaha rouge
(4) tabou
(5) formes d’érosion typiques à Madagascar